Les Sages ont considéré que la
procédure instaurée par la loi Notr "porte à la libre administration des
communes une atteinte manifestement disproportionnée". Leur décision
s'appliquera à compter du 31 mars 2017.
Le Conseil
constitutionnel a jugé que la procédure prévue par la loi Notr du 7 août 2015
concernant le rattachement d'une commune nouvelle à un établissement public de
coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ne respecte pas la
Constitution.
Les juges de la rue Montpensier ont été saisis le 20 juillet dernier par le
Conseil d'Etat de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC)
posées par les communes nouvelles de Talloires-Montmin (Haute-Savoie) et des
Abrets-en-Dauphiné (Isère). Les deux communes nouvelles (toutes deux composées
de communes issues de communautés différentes) ont fait connaître chacune leur
souhait concernant leur rattachement à un EPCI. Mais, dans les deux
départements, le préfet s'est opposé à leur demande et a fait une autre
proposition à la commission départementale de coopération intercommunale
(CDCI). En Isère comme en Haute-Savoie, c'est le préfet qui l'a emporté, car
même si la CDI a soutenu la demande de la commune nouvelle, elle n'a pu réunir
la majorité des deux-tiers requise par la loi. Par deux arrêtés préfectoraux
des mois de mars et avril derniers, les deux communautés de communes ont donc
été rattachées à des EPCI à fiscalité propre autres que ceux qu'elles avaient
voulu rejoindre.
Une atteinte à la libre
administration des collectivités territoriales
Le
Conseil constitutionnel a considéré que la procédure prévue par le législateur
pour le rattachement d'une commune nouvelle à un EPCI à fiscalité propre et
codifiée au II de l'article L2113-5 du code général des collectivités
territoriales"porte à la libre administration des communes une
atteinte manifestement disproportionnée". Alors que le rattachement à un
EPCI à fiscalité propre "a nécessairement des conséquences pour la commune
nouvelle, pour les communes membres des établissements publics concernés et
pour ces établissements publics eux-mêmes, les dispositions contestées ne
prévoient ni la consultation de l'organe délibérant de l'établissement public
de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel le rattachement est
envisagé, ni celle des organes délibérants des établissements publics de
coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune nouvelle est
susceptible de se retirer", relèvent les Sages. "Elles ne prévoient
pas, non plus, ajoutent-ils, la consultation des conseils municipaux des
communes membres de ces établissements publics". Le Conseil
constitutionnel fait aussi remarquer qu'"en cas de désaccord avec le
projet de rattachement, ni ces établissements publics, ni ces communes ne
peuvent, contrairement à la commune nouvelle, provoquer la saisine de la
commission départementale de coopération intercommunale".
Une application différée de la
décision
L'abrogation
de la procédure de rattachement des communes nouvelles à un EPCI à fiscalité
propre prévue par le Code général des collectivités territoriales entrera en
vigueur le 31 mars 2017 afin de permettre au législateur d'en "apprécier
les conséquences". Toutefois, les collectivités ou EPCI à fiscalité propre
engagés dans des actions en justice pour les mêmes motifs que les requérants de
la QPC peuvent dès aujourd'hui invoquer la décision du Conseil constitutionnel.
Le gouvernement a, semble-t-il, anticipé la décision du Conseil
constitutionnel. Début octobre, lors de l'examen du projet de loi Egalité et
Citoyenneté au Sénat, il a proposé de réécrire le II de l'article L2113-5 du
Code général des collectivités territoriales. Il a voulu le remplacer par
"un dispositif dans lequel ce sont les conseils municipaux des anciennes
communes qui constituent la commune nouvelle, qui se prononcent sur l'EPCI à
fiscalité propre de rattachement" (voir notre article du 6 octobre 2016 : Intérêt communautaire, communes
nouvelles, Sraddet : le gouvernement échoue (provisoirement ?) à modifier le
droit). Le Sénat a rejeté l'amendement. Mais ce dernier pourrait
réapparaître prochainement à l'Assemblée nationale au cours des prochaines
séances.
Thomas Beurey / Projets publics
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